Édition du mercredi 1er octobre 2014
Philippe Laurent : « Il faut nous donner les moyens de faire les politiques qu'on nous délègue ! »
© R. Bourguet
Que retenez-vous de la séance d’hier du CFL ? Le gouvernement ne semble pas prêt à reculer.
Tout ce qui a été dit, nous le savions déjà. Ce qui m’a un peu surpris c’est le ton employé : on aurait pu attendre une certaine forme d’empathie du gouvernement. Mais Christian Eckert a été très froid, il a lu sa communication de manière très technique. Il a dit que notre situation aurait pu être pire ! Cela traduit bien un problème majeur : on n’arrive pas à travailler ensemble avec l’Etat. Il y a un objectif commun que tout le monde partage : réduire les déficits. Mais on ne peut pas déclarer, comme Marisol Touraine par exemple, que la politique familiale est très active, qu’on continue à créer des places de crèche, et en même temps réduire les dotations des collectivités qui construisent les trois quarts des places de crèche. Il y a une contradiction permanente au sein du discours de l’Etat. Pour les rythmes scolaires c’est pareil : il faut nous donner les moyens de faire les politiques qu’on nous délègue ! Ou bien, au contraire, que l’Etat appelle à la raison et déclare qu’au vu des difficultés que traverse le pays, la population accepte une baisse des niveaux de services.
C’est pourtant ce que les collectivités vont devoir faire ?
Oui, car les mairies n’ont pas de trésor caché. Et les maires se refusent, pour une très grande majorité d’entre eux, à augmenter la fiscalité ou l’endettement de leurs communes. Le plus rapide pour faire face à la baisse des dotations, c’est donc de diminuer drastiquement les investissements. Cela veut dire moins bien entretenir la voirie, les bâtiments publics (écoles, gymnases, théâtres…), reporter les travaux de rénovation des réseaux d’assainissement – tout ce qui fait la vie d’une ville mais aussi l’attractivité économique du pays.
Cela peut marcher pendant un an ou deux. Mais ensuite, il faudra travailler sur la remise en question du niveau de service. Car si on veut faire des économies importantes, il faut tailler dans la masse salariale, et les services de proximité sont assurés par des agents. Donc faire des économies dessus, cela veut dire qu’on est amené à fermer la mairie un jour par semaine, fermer les crèches une demi-heure plus tôt, fermer plus longtemps les bibliothèques. C’est une dégradation du niveau de service, et il faut que tout le monde en soit bien conscient.
Le gouvernement a annoncé hier qu’il fixerait un « objectif d’évolution des dépenses des collectivités » …
Nous y sommes totalement opposés, même si le gouvernement a pris soin de dire que ce serait simplement indicatif. D’abord, il n’est pas pertinent, puisqu’il suffit de transférer une dépense vers une association subventionnée pour le contourner. Mais ce que nous craignons – et ce qui se produira inévitablement –, c’est qu’à partir de cette norme fixée de dépenses, on stigmatise les collectivités qui sont au-dessus quand bien même leur solde budgétaire serait excédentaire. Si une commune a des dépenses élevées, parce qu’elle a les recettes pour le faire, c’est un choix local, c’est pour cela que nous sommes élus ! Sinon il faut carrément supprimer l’élection des élus locaux et nommer les maires directement comme sous l’Empire. Mais alors il faut le dire !
Que penser alors de la nouvelle instance du Dialogue national des territoires, promise par le gouvernement ?
Je n’en attends pas grand-chose. Il y a eu les conférences des finances publiques, les conférences des exécutifs, à chaque fois ça n’a pas marché. Cela se passe de manière extrêmement formelle : chaque ministre ou représentant d’association d’élus fait son discours, et tout le monde s’en va. Il n’y a pas de vrai travail de fond avec des techniciens. Nous voulons pourtant ce partenariat avec l’Etat, mais il doit être sans arrière-pensées, avec une volonté d’aboutir et un minimum de moyens humains. Si c’est pour se réunir tous les deux ou trois mois à Matignon, cela n’aura pas beaucoup d’effets. Il faut balayer toutes les grandes politiques publiques dans lesquelles les collectivités, et les communes en particulier, sont fortement impliquées : famille, personnes âgées, petite enfance, environnement. On ne peut pas faire l’économie d’un travail commun, mais encore faut-il avoir la volonté de le faire, ce dont le gouvernement n’a pas fait la preuve hier matin.
Propos recueillis par Emmanuel Guillemain d'Echon
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